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L'hypocrisie politique entourant la Maison Benoit Labre

Aujourd’hui, je me permets une prise de parole concernant un sujet chaud de l’actualité des dernières semaines : l’indignation de nos politiciens devant les difficultés qu’éprouve la Maison Benoit Labre dans l’intégration de ses nouveaux locaux. Voici quelques articles pour vous remettre en contexte : La maison benoit labre n’a pas l’intention de déménager : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2103095/maison-benoit-labre-demenagement




Si je me permets de prendre la parole, c’est simplement parce que j’ai sillonné le sud-ouest comme travailleur de rue pendant 5 ans de ma carrière ; 2 ans dans Saint-Henri, 3 ans dans Verdun. J’ai été un témoin privilégié des péripéties entourant les déménagements de Benoit Labre. Le projet de déménagement, et du centre tel qu’il est devenu aujourd’hui, était déjà dans l’air à mes débuts en travail de rue, c’est à dire il y a 8 ans.


En effet, à cette époque Benoit Labre était dans un édifice plutôt vétuste, en plein milieu de nulle part dans Griffintown (si ma mémoire est exacte). Dans tous les cas, point de vue accessibilité, ce n’était pas super. Malgré tout, l’organisme trouvait le moyen de desservir une population toujours grandissante. Forcé de déménager, l’organisme a trouvé refuge dans un sous-sol de l’église St-Zotique à Saint-Henri.


Bien que limité dans l’espace et les services qu’ils pouvaient offrir, ils ont trouvé la manière de s’adapter pour continuer à supporter les utilisateurs qui fréquentaient la ressource. En prime, une station de métro un peu plus à proximité. L’accessibilité, encore. Mais aussi une réalité du Sud-Ouest : les ressources d’urgence sont limitées dans le secteur. La seule ressource d’hébergement ? La Mission Bon Accueil tout près du Centre Bell, à Lucien-L’Allier.


Pour quelqu’un pris dans le fond de Ville-Émard, plutôt compliqué. En partant de Verdun une fois les Métros fermés ? Plus facile de le faire à pied que d’attendre l’autobus. Dans tous les cas, la Maison Benoit Labre avait un projet qui répondait à des besoins réels dans le quartier ; répondre à l’insécurité alimentaire, à l’itinérance grandissante en plus d’offrir du matériel de consommation stérile et de l’accompagnement pour celles et ceux qui le désirent.


La Maison Benoit Labre n’a pas emmené les consommateurs dans le quartier et elle n’est pas responsable de la violence et des conflits qui y ont lieu. Je peux témoigner que la consommation, l’itinérance et la violence étaient toutes présentes bien avant leur déménagement. Il y a quelques années, les médias s’outraient des violences ayant lieu au Square-Cabot (en rappelle un dossier du devoir : https://www.ledevoir.com/documents/special/20-02_itinerance-autochtones-square-cabot/index.html).


Et bien le Square-Cabot est approximativement à dix minutes à pieds de la station Lionel-Groulx, qui est environ à deux minutes… de la nouvelle Maison Benoit Labre. L’itinérance croissante dans Saint-Henri, je l’ai vécue du temps que j’y travaillais. J’ai vu les populations se déplacer du Square-Cabot à Lionel-Groulx. Je me souviens de ma collègue travailleuse de milieu qui insistait pour investir le Square-Cabot à cause du lien naturel avec le Sud-Ouest. Les campements sous la 720 (https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1995153/campement-itinerance-demantelement-montreal-ville-marie), etc., etc., etc.


Toutes ces réalités étaient déjà présentes dans Saint-Henri. La Maison Benoit Labre et les organismes locaux l’avaient bien vu qu’il manquait un service de ce genre. La ville et les gouvernements aussi. Qui pensez-vous a financé tout ça ? Ceux-là mêmes qui demandent leur déménagement aujourd’hui. Vous dire la colère qui m’habite a toutes les fois que je vois des articles cassant du sucre sur l’organisme. Même trois ans après avoir quitté le travail de rue, toutes ces réalités que j’ai côtoyées si intimement m’habitent encore.


La vraie violence dans Saint-Henri, c’est l’embourgeoisement qui a littéralement expulsé la population locale au profit de gens plus aisés qui ont les moyens de s’acheter des condos sur le bord du canal. Des personnes qui viennent s’installer dans un quartier sans en connaître la nature (ouvrière, pauvre). Des gens qui oublient que dans le quartier adjacent (la Petite-Bourgogne) existe l’un des plus gros (le plus gros, je pense) plans HLM de la Ville de Montréal. Des gens qui envoient leurs enfants dans une école primaire défavorisée, qui demande des programmes de yoga alors que tous les enfants ne mangent pas à leur faim. Une population déconnectée de son milieu.


La violence, les problèmes de consommation et de santé mentale étaient déjà tous présents à proximité de ladite école, de mon temps. Le McDonald, qui se situe directement à côté du terrain vague sur lequel s’est installé Benoit Labre, voyait son lot de conflit et de difficulté, malgré les efforts de l’entreprise pour expulser les personnes itinérantes qui y cherchaient un peu de chaleur, un répit. Hypocrisie, hypocrisie, hypocrisie. La Maison Benoit-Labre fait face au même défi que Spectre de rue à l’époque (vous rappelez-vous ? les enfants allaient devenir des mules pour porter la drogue). Je n’ai aucun doute qu’ils relèveront le défi de la même manière.


Toutefois, je ne comprends pas le silence assourdissant des acteurs du milieu communautaire, et de leur mutisme, devant la levée de boucliers des gouvernements. Bien sûr, quand un organisme vit grâce aux subventions, prendre la parole publiquement, c’est risqué de perdre de l’argent, et mettre en péril sa survie. Malgré cela, j’aimerais entendre plus de témoignages des acteurs locaux pour soutenir l’organisme. Je suis convaincu qu’en coulisse le support est offert. Pour moi, ce n’est pas suffisant. La bataille de l’opinion publique, ce n’est pas juste en coulisse qu’elle se joue.


C’est pour cette raison qu’aujourd’hui je prends (bien humblement) la parole et que je dis non au déménagement de la Maison Benoit Labre, non à l’hypocrisie de la population, de la ville et du gouvernement. Je sais que ma voix n’a qu’une portée limitée, mais je considère qu’il était nécessaire pour moi d’exprimer cet appui.


Longue vie à la Maison Benoit Labre !


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